Le "Gros Bellet"
Pierre-Maurice Rey-Bellet, dit le "Gros Bellet", joua un rôle de premier plan dans les événements qui préparèrent l'indépendance du Bas-Valais qui, depuis des siècles, se trouvait sujet des sept dizains du Haut, administrés par des gouverneurs.
La population était mécontente de la manière fort défectueuse dont ils rendaient la justice. En 1790, des actes de concussion se succédèrent, mettant le feu aux poudres. Ils allaient fournir une occasion et un chef à l'insurrection.
Dans le courant de mars, le "Gros Bellet" retournait du marché de Monthey. Vers la fontaine de Vers Ensier, à quelques vingt minutes du château, il atteint deux individus à cheval, se querellant : c'étaient Jean-Joseph Rey-Borratzon, de Val-d'Illiez, et Jean-Joseph Donnet, de Chéseaux sur Troistorrents. Ils s'étaient pris aux cheveux, tandis que leurs montures s'abreuvaient. Taillé en hercule et dans la force de l'âge (il avait 35 ans), Rey-Bellet s'interpose, leur fait mettre pied à terre et les sépare. Probablement y alla-t-il un peu rudement!
Perdant du sang par les narines, Donnet rebroussa chemin et s'en vint déposer sa plainte auprès du gouverneur. Cité à une audience au château, Rey-Bellet conteste avoir mérité une punition, car il estime avoir fait oeuvre louable en séparant deux hommes aux prises. Il ne se voit pas moins condamné à une amende de 1 louis. Refusant de se soumettre, le "Gros-Bellet" est cité une deuxième fois; son amende doublée, puis triplée. Il adresse un recours à la diète de mai et se fait représenter par son combourgeois et ami, Jean-Claude Durier, dit le "Gros Durier", mais n'obtint pas gain de cause.
Le 8 septembre 1790, jour de foire à Monthey, une multitude de gens de Val-d'Illiez se trouvaient réunis dans une auberge près du château. Le greffier Meillat, les mains pleines de papiers, pénètre dans le local et menace de prochaines vexations; assailli et malmené, il réussit à s'échapper et s'enfuit par Chançot sur Châtel et Abondance. A ce moment, arrive le "Gros-Bellet"; il venait de s'entendre condamner à une amende de 9 louis, et trouve ses compagnons fort excités, comme lui-même. Aussitôt instruit de l'agression dont son greffier Meillat a été victime, le gouverneur, Hildbrand Arnold Schinner, descend pour se renseigner; il invective et menace de prison le "Gros Bellet". Celui-ci gagne la rue, suivi des Val-d'Illiens, et demande encore au gouverneur d'une voix irritée de lui exhiber la loi qui le condamne. Voyant l'orage, Schinner se hâte de faire demi-tour; il est atteint par Rey-Bellet et d'autres au nombre de plus de 60 parmi lesquels le "Gros Durier", Jean-Joseph Rey, l'un des deux batailleurs séparés vers la fontaine de Vers Ensier. La foule stationnait dans la cour du château, tandis que le gouverneur, toujours pressé par Rey-Bellet et suivi de Rey-Borratzon, pénétrait dans l'enceinte.
Devenu furieux, le "Gros Bellet" s'est déchiré les vêtements. La poitrine nue, il s'élance contre le gouverneur, l'empoigne et le suspend au dehors aux regards des gens amassés. Retiré de cette position, Schinner reçoit de Rey-Borratzon un coup de pied qui l'envoie rouler à terre. Le gouverneur s'enfuit par l'escalier de service, laissant sa perruque dans les mains des mutins. Dès le lendemain, le pays est dans une vive agitation et le mouvement prend les proportions d'une émeute populaire. Le "Gros Bellet" a ainsi contribué à l'union du Haut et du Bas-Valais et à la création de notre patrice valaisanne.